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Gynécologie non oncologique

Matériel

Publié le 15 mar 2019Lecture 8 min

Controverses : Essure® et la diversité des signes cliniques

Hervé FERNANDEZ, Solène VIGOUREUX, Anne-Gaëlle POURCELOT, Perrine CAPMAS, Le Kremlin-Bicêtre

En France, la contraception permanente féminine, ou contraception définitive, concerne plus d’une femme sur dix après 40 ans (enquête FECOND 2012(1)). L’utilisation de cette méthode contraceptive est variable dans les pays développés et plus fréquemment proposée et utilisée dans les pays du nord de l’Europe.

La loi du 4 juillet 2001 a légalisé la stérilisation à visée contraceptive féminine et masculine. Elle nécessite un délai de réflexion de 4 mois après une première consultation et peut être pratiquée sur une personne majeure ayant exprimé sa volonté libre et délibérée, après signature d’une confirmation écrite. Le médecin doit informer et remettre un dossier d’information écrite après avoir fourni une information claire et complète. L’intervention ne peut être pratiquée que dans les établissements de santé. État des lieux de la contraception définitive en France La contraception définitive est réalisée en France par deux méthodes principales : la stérilisation hystéroscopique par obstruction tubaire grâce au dispositif médical Essure® commercialisé en France depuis 2002 et la stérilisation tubaire pratiquée par voie cœlioscopique avec mise en place de clips, d’anneaux ou coagulation de la trompe par énergie monopolaire ou bipolaire(2). Depuis 15 ans, le nombre de procédures réalisées par cœlioscopie a diminué au profit de la mise en place des dispositifs Essure® avec inversion et croisement des courbes en 2010(3). Ainsi en 2016, deux contraceptions définitives sur trois étaient réalisées sous contrôle hystéroscopique avec mise en place des micro-implants. L’avantage de cette dernière technique est qu’elle permet d’éviter une anesthésie ; surtout, la morbidité immédiate est plus faible en évitant les accidents de la cœlioscopie, plus spécifiquement la perforation des organes creux et les plaies vasculaires. Cependant, la contraception par voie cœlioscopique est immédiatement efficace, alors que la contraception par dispositifs Essure® nécessite un contrôle à trois mois, réalisé selon les recommandations par une échographie 3D suivant la classification de Legendre et al.(4) (figure). On constate cependant que seuls 80 % de contrôles à 3 mois sont effectivement réalisés, soit par échographie (2D/3D), soit par la pratique d’une radiographie de l’abdomen (ASP). Le contrôle par hystérosalpingographie n’est proposé qu’en cas de doute sur une perméabilité possible (ostia 3 à l’échographie) ou malposition des implants à l’ASP. Figure : 3D ultrasound classification : perfect position (1 + 2 + 3), proximal position (1 + 2), distal position (2 + 3) and very distal position (3 - only). Position 1-2-3 : optimale. Position 1-2 : proximale mais bon positionnement. Position 2-3 : distale mais bon positionnement. Position 3 : mauvais positionnement. Épidémiologie des efforts indésirables Sur les données de la base nationale de matériovigilance, 1 177 signalements mentionnant Essure® comme cause d’incident ou de complication ont été notés. L’association RESIST, réunissant des femmes s’estimant victimes d’effets secondaires de l’implant contraceptif, a mené des actions en justice. Les incidents postopératoires gynécologiques comprenaient les douleurs pelviennes abdominales ou lombaires, les ménométrorragies, outre un nombre d’incidents postopératoires sans lien direct avec la sphère gynécologique mais pouvant intéresser de nombreux autres organes et ayant comme dominance : fatigabilité, mal-être et douleurs musculo-articulaires. Les délais d’apparition des symptômes sont variables, mais globalement ils surviennent durant la première année. L’ensemble des symptômes décrits pourrait être en rapport avec un syndrome auto-immunitaire ou inflammatoire. Afin d’avancer dans le débat pour faire la part entre des pathologies gynécologiques et autres qui seraient apparues à l’arrêt de toute contraception après la pose d’Essure® et la responsabilité directe du dispositif intratubaire, l’ANSM a décidé de réunir un comité scientifique indépendant pour réfléchir aux effets indésirables de l’implant contraceptif (CSST). Une étude épidémiologique sur les données françaises a été réalisée avec pour objectif d’évaluer les risques associés à Essure® par rapport à la stérilisation par cœlioscopie. Il s'agit d'une étude de cohorte basée sur les données du SNIIRAM et du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), incluant les patientes de 30 à 54 ans traitées entre janvier 2010 et décembre 2014 avec un suivi jusqu’au 31 décembre 2015. Au total, 71 303 patientes ayant reçu Essure® et 34 057 patientes ayant reçu une stérilisation cœlioscopique ont été incluses, avec un suivi moyen de 3,3 ans. Bien que l’intervention puisse se faire sans anesthésie, 73 % des patientes avec Essure® ont reçu une anesthésie, mais il n’a pas été fait de distinction entre l’anesthésie locale et l’anesthésie générale. L’anesthésie générale est plus fréquente dans les établissements privés que dans le secteur public (82 % versus 67 %). La contraception définitive est répandue sur l’ensemble du territoire avec 654 établissements publics ou privés réalisant la pose d’implants tubaires et 814 réalisant la stérilisation par cœlioscopie. Les complications médicales et chirurgicales durant la pose sont respectivement 5 fois et 2 fois moins fréquentes dans le groupe Essure® que dans le groupe de stérilisation cœlioscopique. Il a été noté par le comité d’expertise que lorsque les actes de pose d’Essure® sont pratiqués chez une femme consciente, celle-ci peut alerter sur des douleurs durant la procédure pouvant correspondre à des problèmes de pose. Une nouvelle stérilisation après l’acte initial est réalisée dans l’année suivant la pose pour 4,1 % des femmes après Essure® versus 0,16 % dans le groupe stérilisation cœlioscopique, en raison d’un mauvais placement ou d’une impossibilité de placement du dispositif. Il est, en effet, essentiel de proposer une échographie 3D à 3 mois de l’intervention dans le but de confirmer la bonne localisation et l’efficacité contraceptive de l’implant. Les complications tubaires post-Essure® (type salpingite) sont observées dans moins de 1 % des cas, mais plus fréquemment qu’avec la stérilisation cœlioscopique alors que les complications utérines (type perforation) sont plus fréquentes avec la stérilisation cœlioscopique et concernent 1,3 % des femmes. La survenue possible de douleurs pelviennes, de règles douloureuses ou de règles abondantes est observée avec la même fréquence quelle que soit la technique de contraception définitive. Dans la population générale des femmes entre 30 et 54 ans, avec ou sans contraception définitive, ces symptômes sont également retrouvéset peuvent être liés notamment à l’arrêt de la contraception hormonale et à l’âge. Sous réserve bien entendu que l’ensemble des déclarations aient été faites et enregistrées, 39 % des signalements dans le cadre de la matériovigilance concernent des manifestations extra-gynécologiques. Considérant l’ensemble des femmes ayant reçu l’implant depuis 2002, leur fréquence apparaît extrêmement faible. Cette fréquence semble globalement identique à celle rapportée aux USA et aux Pays-Bas. Selon les données étudiées, il n’existe pas de différence entre les deux groupes pour la majorité des indicateurs mesurés et, quand elles existent, les différences sont toujours en faveur du groupe Essure®. Les résultats globaux n’apportent aucun argument en faveur d’un excès de morbidité et de mortalité chez les femmes porteuses de l’implant Essure®. Il existe cependant une exception concernant les manifestations allergiques, sans distinction du type d’allergies. Elles sont plus fréquentes dans le groupe de femmes ayant des antécédents d’allergies, avec un excès de risque de 10 %. Chez des femmes ayant un risque accru d’allergies, il est préférable de réaliser la stérilisation par voie cœlioscopique. Les experts considèrent cependant qu’il n’est pas nécessaire de faire des tests allergologiques avant de proposer les micro-implants. De l’avenir d’Essure® Faut-il réaliser de nouvelles études ? Les mécanismes responsables des manifestations extra-gynécologiques atteignant environ 5 % des femmes ne sont pas encore établis. Il est donc nécessaire de continuer à chercher les mécanismes physiopathologiques et de maintenir une surveillance clinique et épidémiologique des femmes ayant eu une pose d’Essure. Le CSST a conclu que les données de la littérature et les résultats de l’étude épidémiologique ne remettent pas en cause la balance bénéfice/risque favorable de l’implant Essure®. Il n’existe actuellement aucun argument pour conseiller le retrait chez des patientes qui n’ont aucun symptôme et qui représentent la très large majorité de la population traitée. Dans l’étude SUCCESS II, réalisée sur un suivi de 5 ans chez 2 500 patientes, le taux de satisfaction des femmes est très largement supérieur à 90 % quand les implants ont été placés sans difficulté la première fois. Enfin et ce n’est pas le moindre intérêt, la contraception par Essure® est une méthode de contraception définitive plus efficace que les contraceptions réalisées par voie cœlioscopique en termes de grossesses observées. Malgré toutes ces données rassurantes, la commercialisation a été suspendue pour 3 mois à partir du mois d’août pour réaliser d’autres études. Cette position est difficile à comprendre compte tenu de l’étude épidémiologique aux données conséquentes, pratiquée par et à la demande de l’ANSM. Allons-nous vers un retour à la cœlioscopie systématique pour une contraception définitive ? Il faudra alors assumer un à deux décès par an, compte tenu de la fréquence des accidents de cœlioscopie pour les interventions de premier niveau, et un certain nombre de perforations d’organes creux et de plaies vasculaires observées lors de toute cœlioscopie(5-8). Par ailleurs, si l’on fait une cœlioscopie, doit-on utiliser des clips au titane, au vu du débat qui commence à poindre sur les accidents dits immuno-allergiques liés au titane. Doit-on faire une salpingectomie bilatérale systématique ? Outre la contraception définitive, cette intervention offrira un moyen de prévention supplémentaire des cancers de l’ovaire, mais au prix d’une morbidité opératoire immédiate plus importante et d’un risque de ménopause plus précoce par dévascularisation des arcades ovariennes. Conclusion S’il est évident que tout acte opératoire peut avoir des complications à court ou moyen terme et qu’il faut écouter les patientes qui se plaignent afin de pratiquer le retrait d’Essure® — ce qui sera nécessaire dans 5 à 10 % des situations —, il serait dommageable d’interdire et de supprimer définitivement une technique moins coûteuse, plus efficace et qui satisfait plus de 90 % des femmes(9,10).

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