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Imagerie fœtale

Revue de Presse

Publié le 02 jan 2019Lecture 8 min

Erreurs en imagerie prénatale : comment les expliquer ?

Catherine GAREL, service de radiologie, Hôpital d’enfants Armand-Trousseau, Paris

L’imagerie prénatale s’est développée depuis plusieurs décennies et les progrès techniques n’ont cessé depuis de jalonner sa route. Pourtant, au quotidien, les pédiatres et principalement ceux qui travaillent dans les maternités, sont amenés à constater des erreurs d’imagerie prénatale. Ces erreurs peuvent être vénielles, sans grande conséquence pour le patient, ou malheureusement beaucoup plus dramatiques.

Ces erreurs, pourquoi les commettons-nous, quelles difficultés rencontronsnous dans notre pratique quotidienne pouvant les expliquer ? Pouvons-nous les éviter ? Cet article a pour objet de répondre à ces questions et de les illustrer par deux cas. Pour commencer, une brève évocation s’impose en ce qui concerne les principales avancées récentes en matière d’imagerie prénatale, tant sur le plan technologique que sur celui des conditions de travail. Durant ces dix dernières années, les progrès technologiques ont concerné principalement l’apparition de nouvelles sondes améliorant la résolution spatiale et en contraste, sur le développement de l’imagerie en 3D et 4D, ainsi que l’imagerie d’harmonique. De ce fait, en cas de litige portant sur un dossier ancien, il importe de toujours se replacer dans le contexte technique de l’époque au moment des faits. Les conditions de travail en imagerie prénatale se sont aussi modifiées avec la mise en place des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN). Ceci a eu pour conséquence de rompre l’isolement des praticiens qui sont, en principe, tous rattachés à un réseau et peuvent plus facilement faire appel à un confrère en cas de doute sur une image échographique. Par ailleurs, il y a une dizaine d’années a été créé le Comité national technique de l’échographie de dépistage anténatal qui autorise seuls les médecins et sages-femmes à faire des échographies et conseille la pratique de 3 examens systématiques aux premier (11-13 SA + 6 jours), deuxième (20-25 SA) et troisième (30-35 SA) trimestres. Il est intéressant de bien préciser ce concept de dépistage. Échographie de dépistage Le but de l’échographie de dépistage est d’identifier au sein d’une population sans risque des anomalies foetales à haut risque de mortalité périnatale ou nécessitant une prise en charge périnatale spécifique. Selon les recommandations du Comité national technique de l’échographie de dépistage anténatal (CNTEDA)(1), il est clairement entendu qu’un tel examen ne saurait identifier toutes les anomalies potentiellement reconnaissables. Ainsi, seul un nombre limité mais clairement défini de structures anatomiques doit être étudié. On propose donc de réaliser une imagerie standardisée devant comprendre des coupes imposées sur différentes régions du corps. La structure du compterendu à produire est également proposée. Par ailleurs, un contrôle de qualité est recommandé en ce qui concerne la formation des opérateurs et le matériel utilisé. Il est très important de comprendre ce concept de dépistage. Cette pratique est périlleuse puisqu’elle réclame une vigilance extrême afin d’isoler au sein d’une masse d’examens normaux, celui qui pose un problème. Dans ces conditions, comment définir une erreur ? Par exemple, pour le pédiatre qui constate qu’un nouveau-né présente une fente palatine postérieure et un rétrognathisme non diagnostiqués en période prénatale, il est tentant de parler d’une « erreur de diagnostic ». En réalité, l’étude du palais postérieur et l’étude du profil fœtal ne sont pas recommandées dans le cadre des examens de dépistage. Pourquoi ? D’une part, parce que le dépistage des fentes palatines postérieures est techniquement difficile et, d’autre part, parce que le comité technique a craint que le dépistage systématique des anomalies du profil foetal conduise à un excès d’examens faussement anormaux. Les conséquences de ces « faux positifs » du dépistage peuvent être graves : fausse couches liées à d’inutiles amniocentèses, troubles de la relation mèreenfant, demandes d’interruption de grossesse, etc. Qu’en est-il quand une structure devant être examinée en dépistage a été considérée comme normale alors qu’elle présente en réalité une anomalie ? S’agit-il d’une erreur ou d’un faux négatif inévitable du dépistage ? Il est difficile de répondre pour chaque cas d’espèce. Rappelons que l’étude des registres de malformations(2) montre que l’immense majorité des anomalies ne peuvent être dépistées dans 100 % des cas, mais que de grandes différences de sensibilité existent selon les régions d’Europe, suggérant une qualité variable des examens. En revanche, il est maintenant possible de préciser si l’examen de dépistage était conforme ou non aux recommandations. C’est facile pour le compte-rendu et le nombre de clichés. C’est difficile pour un cliché donné, car les avis d’experts sont souvent discordants. La figure 1 illustre un cas d’erreur par défaut conduisant à une conclusion erronée de normalité. Figure 1 : Enfant issu d’une grossesse bien suivie, avec trois échographies de dépistage dites normales. La radiographie des membres inférieurs de face réalisée à la naissance montre un fémur court congénital à droite. Dans ce cas, il y a véritablement une erreur, puisque les trois segments de chaque membre doivent être visualisés au cours d’une échographie de dépistage. Certes, leur mesure n’est pas préconisée, mais un tel raccourcissement d’un segment de membre aurait dû être diagnostiqué. Il est probable que seul le fémur gauche ait été visualisé lors des différentes échographies prénatales. Échographie de diagnostic Il s’agit d’une échographie de deuxième intention réalisée devant un risque élevé d’anomalie morphologique fœale ou à la suite d’un examen de dépistage qui a identifié une anomalie ou a été réalisé dans des conditions techniques ne permettant pas de conclure. Plus récemment, le même CNTEDA a formulé des recommandations concernant l’échographie de diagnostic(3) et a proposé, à l’instar de ce qui avait déjà été fait pour l’échographie de dépistage, une méthodologie destinée aux échographistes réalisant ce type d’examen. Ainsi, sont listés les différents éléments devant être examinés, la structure du compte-rendu, les images et les biométries à produire. Autres examens d’imagerie ● L’imagerie par résonance magnétique (IRM) fœtale a commencé à se développer en France dans les années 90. Initialement centrée sur l’étude du cerveau fœtal qui reste de loin son principal champ d’investigation, l’IRM permet d’étudier aussi d’autres organes ou régions anatomiques, tels que le poumon, le tube digestif, le pelvis ou le cou. Une littérature abondante a vu le jour sur ce sujet, analysant notamment l’apport de cette technique par rapport à l’échographie, son efficacité diagnostique et les problèmes techniques qu’elle engendre. Elle nécessite, pour être performante, d’être pratiquée par un opérateur entraîné, connaissant bien la pathologie fœtale et les aspects normaux des différents organes au cours du développement. Les pièges sont nombreux(4). Cette technique est dépendante de l’opérateur au même titre que n’importe quel autre examen médical et on ne saurait trop recommander de pratiquer un tel examen uniquement après concertation multidisciplinaire. La figure 2 illustre les difficultés rencontrées dans l’interprétation d’images d’IRM fœtale. ● La tomodensitométrie foetale est un examen encore plus confidentiel, réalisé avec parcimonie dans les CPDPN selon un protocole très précis visant à limiter au maximum la dose d’irradiation délivrée au fœtus et dans des indications très précises, essentiellement dans les cas d’anomalies osseuses pouvant ou non faire partie d’une maladie osseuse constitutionnelle. Figure 2 : IRM fœtale réalisée à 33 SA du fait d’une dilatation ventriculaire bilatérale en échographie, mesurée à 14 mm au niveau de chaque carrefour ventriculaire. Sur les coupes axiales en T2 (a) et T2* (b), passant par la partie haute des ventricules latéraux, on note quelques petites images hypo-intenses, plus marquées en T2* et interprétées comme une hémorragie à l’origine de la dilatation ventriculaire. Sur le contrôle postnatal, à 1 mois de vie (c), on voit que ces images correspondent en fait à des petites hétérotopies sous-épendymaires. Comment expliquer nos erreurs ? Qu’il s’agisse de faux positifs ou de faux négatifs, on peut distinguer plusieurs sources d’erreurs. ● Les erreurs techniques Il peut s’agir du choix inadapté d’une sonde en échographie ou d’une séquence en IRM qui ne permettra pas d’identifier une lésion. Par exemple, la visibilité d’un saignement chronique en IRM peut n’apparaître évidente qu’avec un seul type de séquence. Encore faut-il penser à réaliser cette séquence. Ce peut être également la mauvaise interprétation d’une image liée au fait que celleci n’a pas été acquise dans un plan correct et que l’anatomie n’est donc pas reconnaissable. On peut ainsi construire de fausses pathologies. Il peut s’agir également d’erreurs dans la réalisation de mesures, ce qui est à l’origine d’erreurs dans l’estimation du poids fœtal. La variabilité interobservateur est plus marquée pour les mesures de périmètre que pour les mesures linéaires(5). ● Les difficultés liées aux conditions d’examen Elles sont très fréquentes en imagerie prénatale qu’il s’agisse de difficultés en rapport avec un oligoamnios, la présentation fœtale ou la paroi maternelle en échographie, ou les mouvements fœtaux en IRM. Ces erreurs peuvent aussi être liées à l’état psychologique de l’opérateur, une baisse de vigilance liée à une surcharge de travail. Une image anormale pourra être ainsi à tort banalisée ou manquée. ● Les erreurs liées à l’insuffisance de l’opérateur Elles sont aussi très fréquentes tant est vaste le champ de connaissances à acquérir. Une même personne ne peut pas connaître toutes les variantes du normal et toutes les pathologies des différents organes susceptibles de se révéler in utero. Comment réduire le risque d’erreurs ? Les recommandations du CNTEDA ont défini un processus d’assurance qualité : matériel adapté, formation initiale et continue des professionnels, et pratique régulière et suffisante. La qualité de cette formation est le meilleur garant de l’efficacité du dépistage(6). En France, la formation initiale est structurée par des DIU, la formation continue est assurée par plusieurs organismes, comme par exemple le Collège français d’échographie fœtale, et cela contribue largement à la bonne sensibilité du dépistage échographique dans notre pays(7). Reste le problème de la surcharge de travail et de la baisse de vigilance liée à la trop grande quantité d’examens effectués. Il a été suggéré d’y remédier en faisant des pauses dans la journée(8). La cotation actuelle des actes reste un problème majeur(3), la rémunération de l’échographie de dépistage étant trop basse, alors qu’il s’agit d’un examen long et difficile, ce qui contraint certains collègues installés en secteur 1 à multiplier les examens. Conclusion En pratique, l’imagerie prénatale est donc un exercice périlleux, comportant un risque de faux positifs et de faux négatifs comme tout autre examen médical. Les procédures d’assurance qualité recommandées depuis plusieurs années devraient contribuer à améliorer les performances du dépistage. Il s’agit d’un objectif important, car les discordances entre diagnostic prénatal et diagnostic postnatal peuvent avoir des conséquences graves. Toutefois, il faut garder à l’esprit que l’imagerie prénatale a des limites et que même dans les meilleures mains et avec une bonne technique, certaines malformations restent inapparentes.

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