Obstétrique
Cas cliniques
Publié le 20 avr 2025Lecture 7 min
Anomalies du corps calleux
Jean-Philippe BAULT, Plateforme Lumière Necker, CPDP CHI Poissy Saint-Germain, Cabinet d’échographies Gynéco-Obstétricales, Les Mureaux

La publication des nouvelles recommandations de la CNEOF en octobre 2022 puis ses corrections en octobre 2023(1) ainsi que la proposition d’une nouvelle classification des anomalies du corps calleux(2), nous amènent à la refonte d’un article publié dans le numéro 320 de Gynécologie & Obstétrique pratique en décembre 2019.
Dans la première version publiée en octobre 2022, il était recommandé de vérifier tant la présence que l’aspect du corps calleux (CC). La version corrigée d’octobre 2023 limite la recommandation à la seule vérification de la présence du CC.
Les images silhouettes ont, elles aussi, été modifiées. Seules les images 1 et 2 (figures 1A et 1B) sont recommandées pour affirmer la présence du CC.
Les images 1C et 1D ne constituent que des images complémentaires en cas de non-obtention de l’item sur les coupes 1 ou 2 (figures 1A et 1B). Il nous paraît utile de souligner que les images obligatoires ne mettent en évidence que la présence d’une partie du CC, et non son intégrité ; il en est de même pour la figure 1D. Seule la coupe sagittale (figure 1C) est en mesure d’affirmer que le CC a un aspect normal, et de le mesurer si besoin.
Figure 1. Figures « silhouettes » (CNEOF, octobre 2023).
Proposition de nouvelle classification
Dans une revue de la littérature publiée en 2022 (correspondant à une période d’une trentaine d’années), Salomon et coll. ont démontré que la terminologie adoptée pour définir les anomalies du CC était très hétérogène et faisait appel à plus de 10 formulations différentes(2). Ils ont donc proposé d’harmoniser cette terminologie dans une classification simplifiée ne comportant que quatre catégories d’anomalies du CC :
– agénésie complète ;
– agénésie partielle ;
– hypoplasie ;
– dysplasie.
La description des anomalies du CC dans cet article sera donc faite suivant cette classification simplifiée.
Agénésie complète du corps calleux
L’agénésie du CC correspond à l’absence totale de structures calleuses et peut donc se définir comme une anomalie commissurale (absence de décussation des fibres nerveuses au niveau de la ligne médiane). Sa fréquence peut être estimée entre 1/4000 et 1/5000(3,4). Lors de l’échographie de dépistage, ce sont les signes indirects qui vont attirer l’attention.
Sur la coupe axiale
• Anomalie des ventricules latéraux. Les cornes occipitales apparaissent dilatées et présentent une forme particulière réalisant un aspect en goutte de larme « Teardrop sign» (figure 2A). À noter que cette dilatation peut être modérée, voire absente, néanmoins dans ce cas la forme de cette corne demeure inhabituelle (figure 2B). Les cornes frontales sont la plupart du temps fines, présentant un aspect quasi parallèle l’une par rapport à l’autre et un écartement inhabituel par rapport à la ligne médiane (figure 3).
• La cavité du septum pellucidum est absente, mais l’ascension du troisième ventricule (V3), fréquemment dilaté, peut créer un aspect de « fausse cavité septale » (figure 3).
• L’aspect en « triple feuillet » lié à l’écartement anormal des faces internes des lobes frontaux dégageant la faux du cerveau est souvent visible sur les coupes axiales (figure 3).
Figure 2. A : Corne occipitale ventricules latéraux : Ventriculomégalie « tear-drop sign » ; B : Modification isolée sans ventriculomégalie.
Figure 3. Flèches vertes : cornes frontales fines et écartées ; Flèches jaunes : fausse cavité septale ; Flèches turquoise : triple feuillet.
Sur la coupe coronale
La découverte sur la coupe axiale des signes indirects précédents impose un passage au plan de coupe coronal permettant de visualiser :
– l’écartement anormal des cornes frontales qui sont par ailleurs fines et à concavité interne : aspect dit en « cornes de taureau » (figure 4) ;
– la « fausse cavité septale » est aussi visible dans ce plan (figure 4) ;
– l’aspect en « triple feuillet » est parfaitement mis en évidence (figures 4A et 4B).
Figure 4. Flèches vertes : aspect en « corne de taureau » des cornes frontales ; Flèches turquoise : triple feuillet ; Flèche jaune : fausse cavité septale.
Sur la coupe sagittale
• L’absence de structures calleuses confirmera le signe direct d’agénésie complète du CC (figure 5).
• L’ascension du troisième ventricule est démontrée (figure 5).
• Le Doppler permettra de mettre en évidence la désorganisation de la circulation péricalleuse (figure 6A).
• Les anomalies de giration avec une disposition radiaire des sillons ne seront retrouvées qu’au troisième trimestre (figure 6B). Mentionnons que l’association avec des kystes arachnoïdiens de la ligne médiane est fréquente (figure 7).
Il est important de souligner l’apport particulièrement intéressant de la voie endovaginale, associée à des sondes à haute fréquence, en cas de présentation céphalique et du mode volumique avec ses coupes multiplanaires permettant d’obtenir en une seule image l’ensemble des signes de la pathologie (figure 8).
Figure 5. Flèches vertes : V3 ascensionné, aspect de fausse cavité septale.
Figure 6. A : désorganisation de la circulation péricalleuse ; B : giration radiaire.
Figure 7. Kystes arachnoïdiens de la ligne médiane.
Figure 8. Agénésie complète du corps calleux. A : coupe sagittale, absence de structure calleuse, V3 ascensionné ; B : aspect en « cornes de taureau » ; C : cornes frontales parallèles et triple feuillet.
Agénésie partielle du corps calleux
La démonstration est maintenant établie que le développement du CC se fait de sa partie médiane vers ses extrémités(5).
Les agénésies partielles peuvent donc affecter soit la partie postérieure (figure 9) le plus fréquemment, soit la partie antérieure (figure 10), voire les deux (figure 11).
Figure 9. Agénésie partielle de la partie antérieure du corps calleux.
Figure 10. Agénésie partielle de la partie antérieure du corps calleux.
Figure 11. Agénésie des parties antérieure et postérieure du corps calleux.
Hypoplasie du corps calleux
Le corps calleux est complet mais apparaît court et/ou fin : sa mesure est alors indispensable.
Différentes courbes ont été publiées. Un travail récent publié par les équipes de Necker et de Vienne étudie le score de qualité de ces différentes courbes(6).
La découverte d’un CC court, et ce d’autant qu’il n’est pas isolé, est une indication majeure de la réalisation d’un exome. La figure 12 illustre ce propos : les deux CC sont courts, le fœtus est affecté d’un syndrome de Kabuki (figure 12A, association à un RCIU et une fente palatine) ; le fœtus est affecté d’un syndrome de Rubinstein-Taybi (figure 12B, association à des oreilles mal ourlées et à une dysmorphie faciale modérée).
Figure 12. Corps calleux courts. A : syndrome de Kabuki ; B : syndrome de Rubinstein-Taybi.
Dysplasie du corps calleux
Cette catégorie regroupe les anomalies de forme du CC et en particulier les CC d’une épaisseur importante (figure 13).
L’IRM, et en particulier la tractographie(7,8), semble apporter une aide précieuse en permettant de vérifier si la décussation des fibres nerveuses s’est bien effectuée. En cas d’absence de décussation, la mise en évidence de bandelettes de Probst représente un élément péjoratif (figure 14)
Figure 13. Corps calleux dysplasiques, épaisseur anormale. Flèches vertes : V3 ascensionné, aspect de fausse cavité septale.
Figure 14. Tractographie IRM : bandelettes de Probst parallèles à la ligne médiane (image A. E. Millischer).
Cas particulier : les lipomes du corps calleux
Ces formations graisseuses qui peuvent être de deux types – curvilinéaire (figure 15A) ou nodulaire (figure 15B) – ne semblent pas altérer l’intégrité du CC mais plutôt gêner son expansion. Les altérations de taille du CC apparaissent dans ce cas de meilleur pronostic que les véritables dysplasies.
La mise en évidence d’une anomalie du CC impose un bilan complet tant génétique (caryotype, ACPA, exome) que morphologique. En effet, cette anomalie ne peut être que la partie « visible de l’iceberg » ; il sera en particulier indispensable de rechercher des troubles de la giration en échographie, mais bien sûr aussi en IRM.
Ainsi, il paraît dommage que les récentes recommandations ne mentionnent plus de vérifier « l’aspect » du corps calleux, tant les anomalies de forme et de taille de cette structure cérébrale sont associées à des pathologies fœtales souvent péjoratives.
Figure 15. Lipomes du corps calleux. A : forme curvilinéaire ; B : forme nodulaire.
1. Rapport de la CNEOF, octobre 2023.
2. Mahallati H, Sotiriadis A, Celestin C et al. Heterogeneity in defining fetal corpus callosal pathology : systematic review. Ultrasound Obstet Gynecol 2021 ; 58 : 11-8.
3. Romaniello R, Marelli S, Giorda R. Clinical characterization, genetics, and long-term follow-up of a large cohort of patients with agenesis of the corpuscallosum. J C h i l d Neurol 2017 ; 32 : 60-71.
4. des Portes V, Rolland A, Velazquez- Dominguez J et al. Outcome of isolated agenesis of the corpus callosum: A population-based prospective study. Eur J Paediatr Neurol 2018 ; 22 : 82-92.
5. Birnbaum R, Barzilay R, Brusilov M et al. The early pattern of human corpus callosum development: A transvaginal 3D neurosonographic study. Prenat Diagn 2020. 40 : 1239-45.
6. Corroenne R, Grevent D, Kasprian G et al. Corpus callosal reference ranges : systematic review of methodology of biometric chart construction and measurements obtained. Ultrasound Obstet Gynecol 2023 ; 62 : 175-84.
7. Song JW, Gruber GM, Patsch JM et al. How accurate areprenatal tractography results? A postnatal in vivo follow-up study using diffusion. Pediatr Radiol 2018 ; 48 : 486-98.
8. Millischer AE, Grevent D, Bahi- Buisson N. Feasibility and added value of fetal MR-DTI-tractography in the evaluation of isolated short corpus callosum : preliminary results. AJNR Am J Neuroradiol 2022 ; 43(1) : 132-8.
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